Le bois des guitares : la guitare vibre, vous non ? C’est peut-être grave…

Avant de lire l’article, le préalable est d’accepter – et de comprendre – que la guitare est un instrument qui entre totalement en vibration. De ce principe, chaque pièce de la guitare influe directement sur le son, à commencer par le bois.

Comment se rendre compte et ressentir les vibrations de ma guitare ?

Grattez les cordes, posez vos doigts à divers endroits de la guitare, le constat sera évident. Dans le cas contraire, consultez un neurologue.
On comprends instantanément que la vibration engendrée par la corde est produite par l’instrument dans son entier.  La somme de toutes ces vibrations sera ensuite captée par les micros.

Les fréquences de résonnances

Chaque objet, chaque être, chaque chose possède sa propre fréquence de résonnance. La guitare n’échappe pas à cette règle : chaque élément qui la constitue (chevalet, manche, corps, accastillage…) participe à la signature sonore de la guitare. Le manche et la caisse sont les principaux éléments de coloration du signal, les autres viendront seulement interférer sur le résultat final.

La Les Paul, un exemple parmi tant d’autres

L’histoire de la Les Paul est riche d’enseignements sur le choix des essences de bois dans l’assemblage de la guitare, d’autant qu’il est facile de l’entendre depuis les années 50. Gibson par sa production a imposé un modèle sonore qui depuis est entrée dans la mémoire collective et a influencé la musique d’une façon durable.
Le choix était le suivant : une caisse en acajou (swietenia mahogany macrophylla) sur laquelle on plaque une table en érable (acer sacharum), on y ajoute le manche en acajou possédant une touche en palissandre indien (Dalbergia latifolia), le tout étant collé à la colle d’os.
L’association de Les Paul et de Ted McCarty a permis de regrouper deux points de vue, celui du musicien et celui de l’industriel à savoir choisir des essences à  associer pour obtenir une coloration sonore, sans perdre de vue que l’origine de la vibration est bien la corde.

La Télécaster et son Twang, autre exemple…

Il y a quelques années, j’ai assemblé un modèle de Télécaster improbable sur la demande d’un client : l’objectif était de préserver les qualités sonore de la Télécaster en ajoutant un vibrato Floyd Rose et un capteur Roland GK-3. La caisse était en frêne des marais (fraxinus americana) associée à un manche maple (Acer saccharum) et un radius de 9.5 . Pour une question d’aménagement, Pascal Sansou (Crel Pickups) a construit  à ma demande un micro aux caractéristiques de Télé au format Stratocaster (voir photos). La référence et le départ de ce projet est la Télé 52. Qu’en est-il resté dans l’objet fini ?

Pour comprendre, il est important d’affecter à chaque élément sa responsabilité dans le résultat sonore.
Le sustain :
Il est affecté principalement par la qualité des bois, les assemblages et la qualité de l’accastillage.

La fréquence de résonnance de l’instrument :
Plus une caisse est creusée, plus sa fréquence de résonnance est élevée. Ici les nombreuses cavités supplémentaires augmentent la fréquence de résonnance (ici entre 1 ton et 1,5 ton).

La couleur tonale :
Elle est la conséquence de l’assemblage de la guitare, corps, manche, accastillage… Une tige de vibrato, une fixation de sangle ou une clé défectueuse peuvent vibrer par sympathie et mettre une fréquence hors phase. Résultat, la note est affaiblie voire inexistante.

Dans les années 80, j’ai contribué à développer avec Vincent Berton des guitares en résine (V Line), ma référence pour les faire sonner à l’époque était bien le bois. Bien que produites industriellement, les premières guitares électriques bénéficiaient d’essences de qualités, car peu exploitées et abondantes. Ces bois étaient le gage d’un son riche malgré les usinages et les assemblages aléatoires des instruments.
Même si les guitares de moyenne gamme produites aujourd’hui bénéficient d’une finition exemplaire et d’un prix de vente à la baisse la qualité des bois reste sans rapport avec les exigences de la lutherie.

La guitare électrique “solid body” est un instrument jeune (né dans les années 40-50), avec encore peu de modèles sonores où les premiers ce sont imposés : Gibson, Fender, Rickenbaker… Les modèles phares de ces grandes marques et les guitar-heroes ont façonné nos références sonores collectives.